Homélie dimanche 17 août 2014

20ème dim. du Temps Ordinaire / Année A

St Jean-Baptiste Bourgoin-Jallieu

Is 56,1.6-7 / Ps 66 (67) / Rm 11,13-15.29-32 / Mt 15,21-28

J’ai toujours eu un peu de mal avec cette page d’Evangile… Et je ne vous cacherai pas que ce matin ma tête est habitée d’une multitude de questions avec ces lectures que nous venons d’entendre. Vous aussi peut-être…

La question qui traverse ces textes et qui est une question centrale pour notre foi, une question centrale de l’histoire du peuple juif comme de la venue de Jésus et une question qui traverse toutes les prières qu’on dit à chaque eucharistie, c’est question du Salut : nous croyons que Dieu vient pour nous sauver, mais de quoi vient-il nous sauver ; et qui vient-il sauver ? De quoi vient-il nous sauver, la réponse qu’est la résurrection de Jésus et la résurrection qui nous est promise c’est qu’il vient nous sauver du mal et de la mort ; concrètement, comment ça se passe, ce n’est pas de cela dont il est question aujourd’hui. Ce matin c’est plutôt la question de « qui sera sauvé » qui nous est posée…

Les lectures de ce matin semblent nous dire que Dieu sauvera certains mais peut-être pas tous. Alors que nous, nous avons spontanément la foi que tous les hommes seront sauvés parce que Jésus nous révèle que Dieu aime tous les hommes. Sans doute est-ce vrai, c’est en tout cas ma foi, au détail près que si Dieu aime tous les hommes son amour pour nous nous laisse complètement libre, jusqu’au bout, et donc que nous pouvons refuser ce Salut que Dieu nous propose.

Qui sera sauvé ? Est-ce ceux qui pratiquent de la bonne façon – c’est ce qu’Isaïe a l’air de nous dire dans la 1ère lecture – ou est-ce ceux qui reconnaissent Jésus Christ comme leur Sauveur ? Et qu’en est-il des autres ?

L’évangile de ce jour tente de répondre pour une part à cette question, de façon un peu énigmatique, avec ce dialogue un peu étonnant autour des chiens et du pain des enfants. Jésus commence par dire qu’il n’ait envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël. Nous voilà assez loin de ce que nous disons d’habitude, à la suite de l’évangile de Jean, de Dieu qui veut sauver tous les hommes… Jésus est Juif, membre d’Israël, ce peuple créé par Dieu pour témoigner par son existence et sa vie de tous les jours et de l’existence et de la présence de Dieu. Et dans ce peuple, il y a eu des dérives, des pertes de confiance en Dieu, de l’idolâtrie et tout ce que vous voulez… Les prophètes ont eu beau crier à la conversion, Israël n’a pas toujours été et n’est pas toujours un témoin en acte de sa foi en son Dieu. Jésus vient donc d’abord pour que les Juifs se retournent vers Dieu et comprennent qui est vraiment Dieu. C’est sa première mission, une mission qui doit leur permettre alors de pouvoir reprendre leur mission à eux d’être témoin pour les nations de ce Dieu Unique auquel ils croient.

Jésus vient donc pour ces brebis perdues d’Israël, ce que cette femme n’est pas, apparemment, puisqu’elle vient d’une région païenne. Sauf qu’elle vient quand même vers lui. Alors que faire : répondre à sa demande pour qu’elle le laisse tranquille ? C’est la solution que les disciples proposent pour qu’on en finisse… Jésus, lui, ne répond pas. Il garde le silence, ce qui permet à cette femme d’insister et donc, visiblement, de prouver cette confiance qu’elle a en lui, Jésus. Leur dialogue est étonnant et pas très plaisant à nos oreilles. Mais il témoigne d’une grande lucidité de la part de cette femme et d’une confiance énorme : elle sait qu’elle n’est pas de ce peuple pour lequel Jésus semble être là ; elle n’est pas grand-chose au regard des pratiques religieuses en vigueur ; elle le sait mais en même temps elle croit que ce que Dieu fait pour ce peuple ça ne peut pas ne pas avoir de retombées – des miettes – pour ceux qui sont autour. Elle a déjà compris que Dieu aime tous les hommes et elle n’est pas là que pour une demande magique et intéressée.

Jésus ne peut pas rester indifférent à ce que cette femme lui dit. Il sait qu’elle a tout compris même si sa demande vient bousculer ce qui semble être le plan de Dieu, même si sa demande vient anticiper ce qui aurait dû être le plan de Dieu. Lui, Jésus, venait d’abord pour les brebis perdues d’Israël afin qu’elles puissent retrouver la route de leur foi et qu’elles puissent permettre alors aux nations environnantes de se tourner à leur tour vers le Dieu Unique. Cette femme bouscule l’ordre des choses parce qu’elle croit en ce Dieu. Et, du coup, Jésus ne peut rien faire d’autre que de répondre à la confiance qu’elle met en lui ; il répond à sa demande de foi.

Qui donc sera sauvé ? Nous avons notre réponse : ceux qui se tournent vers Dieu et qui veulent bien lui faire confiance. Il ne s’agit pas tant d’être baptisés comme on aurait un certificat, par exemple, ou d’être de bons observants de toutes les lois religieuses, il s’agit d’être des croyants ; des croyants qui, du coup, prennent du temps pour se tourner vers Celui en qui ils veulent mettre leur confiance.

Ça ne veut pas dire, évidemment, que la pratique n’est pas importante, au contraire ; elle permet deux choses fondamentales : elle permet de se rassembler ensemble pour se porter les uns les autres dans la foi et la prière et elle est un témoignage visible de la présence de Dieu puisqu’il nous rassemble ; la pratique est importante mais pas comme un en soi ou une obligation morale ou religieuse ; elle est importante parce qu’elle nous permet de grandir dans la confiance en Dieu car elle nous permet de prendre du temps pour lui, du temps pour nourrir notre foi afin que nous puissions avec lui et ensemble nous tourner vers ceux qui ont besoin d’être sauvés, ceux qui ont besoin qu’on prenne soin d’eux. Notre présence auprès de ceux qui attendent une parole de vie et d’espérance leur permettra de récolter les miettes de ce qui nous-mêmes nous a nourri et sauvé ; alors ils pourront peut-être découvrir qu’il y a un Dieu qui les aime et qui voudrait que eux aussi puissent découvrir ce trésor qui donne du sens à l’existence, ce trésor qui est salut, c’est-à-dire chemin de vie.

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